[MUSIQUE] [MUSIQUE] La physique s'intéresse à des phénomènes incroyablement différents. Au fil des siècles, nous avons pu expliquer les propriétés d'objets aussi différents que le soleil, un arc-en-ciel, un ballon, un grain de sable ou un fil de cuivre. On pourrait se dire que tous ces objets, tous ces phénomènes n'ont rien à voir les uns avec les autres. Pourquoi y a-t-il un rapport entre une galaxie et un noyau atomique ? Ce que nous allons voir aujourd'hui, c'est que des liens existent entre l'infiniment grand et l'infiniment petit. Commençons par parler de ce qui les sépare, c'est-à -dire les distances. Prenons un bout de matière, une pomme par exemple. Imaginons à présent que nous soyons capables de faire un zoom très puissant à l'intérieur de cette pomme. Dans l'atome, on trouve des électrons, des noyaux atomiques, qui contiennent eux-mêmes des protons et des neutrons faits de quarks. Quelle est la taille de ces constituants élémentaires, de ces électrons et de ces quarks ? On ne le sait pas exactement, car ils sont trop petits. Tout ce que l'on sait, c'est qu'ils sont plus petits qu'un milliardième de milliardième de mètre. À l'inverse, le plus grand objet que nous observons tous les jours, ou presque, c'est le Soleil. Il a un rayon de 700 000 km. Mais si cette fois nous faisons un zoom en arrière, nous voyons que le Soleil n'est qu'une étoile ordinaire parmi plusieurs centaines de milliards à l'intérieur de notre galaxie. Notre galaxie est environ un million de milliards de fois plus grande que notre Soleil. Et cette galaxie appartient à un amas de galaxies, lui-même dans un superamas. On voit que des ordres de grandeur extrêmement différents sont mis en jeu, ce qui est normal, vu que le sujet qui nous intéresse aujourd'hui, c'est l'infiniment grand et l'infiniment petit. Mais si on commence à s'intéresser aux outils pour observer ces objets, on trouve des similitudes. D'abord, ce sont souvent des détecteurs géants. Prenons un détecteur de physique des particules, le détecteur ATLAS, situé au CERN à Genève. Il fait plus de 40 m de haut et 40 m de longueur, soit la même taille qu'un bâtiment de plusieurs étages, pour un poids de 7 000 tonnes. Pour observer les neutrinos, on utilise de nombreux endroits dans le monde, des détecteurs qui sont des piscines remplies de milliers de tonnes d'eau ultra pure, placées sous terre. Pour étudier les rayonnements cosmiques, c'est-à -dire des particules énergétiques qui nous viennent de l'espace, on a mis en place l'expérience AUGER, avec 1 600 détecteurs et 24 télescopes répartis sur 3 000 km carrés dans la Pampa argentine. Finalement, pour détecter les ondes gravitationnelles provenant de collisions de deux trous noirs, la collaboration LIGO, VIRGO utilise des interféromètres avec des bras parfaitement rectilignes, et longs de 3 à 4 km. On peut se demander pourquoi ce gigantisme ? C'est parce qu'on veut détecter des phénomènes peu fréquents qui nécessitent des instruments très sensibles, capables de collecter beaucoup d'informations sur ces phénomènes qui nous intéressent. Il faut donc beaucoup d'instrumentation très précise, et donc de très grands instruments. Pour traiter toutes ces données, l'infiniment petit et l'infiniment grand ont aussi des outils communs. Certains outils d'analyse de données en physique des particules sont inspirés de traitements d'images venant de l'astronomie. Les grandes collaborations de l'infiniment grand ont pu s'inspirer d'expériences de l'infiniment petit pour bien gérer l'enregistrement et le traitement des données à l'aide de réseaux informatiques, avec des machines réparties sur toute la planète. Pour faire le tri dans toutes ces données, il faut des techniques d'analyse statistique avancée, qui sont souvent communes aux deux domaines. Maintenant, regardons de plus près ces détecteurs, ces télescopes et ces satellites. On retrouve souvent des instruments communs. Pourquoi donc ? Parce que l'infiniment grand et l'infiniment petit font souvent appel à la même physique des très hautes énergies. Quand on regarde les débuts de l'univers, celui-ci est très chaud et très dense. À l'époque, on avait un bouillonnement de particules en tous sens, avec des masses et des énergies très élevées. Les collisions énergétiques dans les accélérateurs de particules peuvent nous donner des informations sur ce passé turbulent. Plus tard, lorsque l'univers s'est étendu, il s'est refroidi et les premiers noyaux atomiques ont pu apparaître. Là encore, la physique nucléaire peut donner beaucoup d'informations sur cette nucléosynthèse primordiale, qui concerne l'infiniment grand. Pour expliquer le fonctionnement des étoiles, il faut étudier les réactions nucléaires, capables de fusionner des noyaux légers en noyaux plus lourds. Là encore, l'infiniment grand et l'infiniment petit se parlent, étudient les mêmes énergies, les mêmes processus, mais dans des contextes très différents. Il y a aussi beaucoup d'évènements astrophysiques qui font intervenir des énergies et des particules similaires à celles qui intéressent les chercheurs de l'infiniment petit. Par exemple, les étoiles en fin de vie qui deviennent des supernovæ ou des étoiles à neutrons produisent beaucoup de neutrinos. Ces neutrinos sont aussi étudiés de près par les physiciens de l'infiniment petit. Quand les chercheurs n'arrivent pas à répondre à une question dans l'un des deux infinis, pas étonnant qu'ils se tournent vers l'autre infini pour essayer d'y répondre. Par exemple, aux premiers instants de l'univers, il y avait initialement des quantités équivalentes de particules et d'antiparticules. Comment en est-on arrivé à la situation actuelle, où seule la matière nous environne ? Pour comprendre cette évolution, il faut étudier la différence de comportement entre particules et antiparticules dans le domaine de l'infiniment petit. On sait qu'une des quatre interactions fondamentales, l'interaction faible, est responsable de telles différences, mais elles sont trop petites pour expliquer les observations de l'infiniment grand. On pense qu'à plus haute énergie, plus tôt dans l'histoire de l'univers, d'autres phénomènes ont pu faire une vraie différence entre particules et antiparticules. Quand on regarde les galaxies et les amas de galaxies, on s'aperçoit qu'on n'arrive pas à expliquer leur structure. Il n'y a pas assez de matière pour que la gravité maintienne le gaz et les étoiles sous forme de galaxies, et des amas de galaxies qu'on observe. La matière supplémentaire qui est présente, mais qu'on ne détecte pas directement, a été appelée matière noire. On pense qu'elle est constituée de particules encore inconnues, très lourdes, et qui interagissent très peu avec leur environnement, sauf par la gravité. Et justement, on peut demander l'aide de l'infiniment petit pour trouver ces particules. Par exemple, essayons de les créer dans des collisions de particules de haute énergie au CERN. Un dernier exemple, les rayonnements cosmiques, je l'ai déjà dit, ce sont des particules de très haute énergie qui nous proviennent de l'espace. Certaines ont des énergies dix millions de fois plus élevées que l'énergie des collisions du LHC. On peut les détecter avec des télescopes sur Terre, ou des satellites dans l'espace, avec des techniques empruntées à l'infiniment petit et à l'infiniment grand. Mais d'où ces rayons cosmiques nous proviennent-ils ? Comment peuvent-ils atteindre des énergies aussi élevées ? Peut-on expliquer la composition en particules élémentaires d'un noyau atomique ? Il faut encore imaginer des explications qui combinent l'astrophysique et la physique des particules. Nous avons donc vu que l'infiniment petit et l'infiniment grand s'intéressent à des objets de tailles très différentes. Pourtant, ils ont des points communs. De nos jours, on utilise dans les deux cas de grands instruments capables de détecter des phénomènes rares et de très haute énergie. Cela permet d'établir des ponts entre les deux infinis avec des sujets communs de réflexion et d'étude. En observant l'infiniment grand et en faisant des expériences sur l'infiniment petit, il est possible d'apprendre sur l'un et sur l'autre simultanément, et de progresser sur les deux tableaux. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]